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Les du Pont de Nemours : gloire et déboires d'un géant de la chimie - Le Monde

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Un drôle d’oiseau, un peu perché, sifflotant des ritournelles écolos avant l’heure. Longtemps, c’est dans ce stéréotype qu’a été encagée la mémoire de Pierre Samuel du Pont de Nemours (1739-1817). Stendhal lui-même l’évoque comme l’homme « qui entendait le langage des oiseaux ». « Les bêtes, cela parle ; et du Pont de Nemours/Les comprend, chants et cris, gaîté, colère, amours », renchérit Victor Hugo. Pour mériter de tels éloges, l’économiste français n’a pas ménagé sa peine. De mémoires en traités, il s’est penché sur tout un cosmos : le « puissant génie » des huîtres, la sociabilité du renard et des fourmis, les « causes chimiques des pluies »… Jusqu’à traduire le langage des volatiles qui peuplaient son domaine du Bois-des-Fossés, au sud de Paris. C’est cette grammaire aviaire, établie en 1807, que retiendra la postérité.

« Pierre Samuel compare l’agriculture au soleil de demain, et le charbon au soleil d’hier », relève l’économiste Jean-Marc Daniel

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme… » Du Pont a fait sienne la maxime attribuée à son ami chimiste Antoine Laurent Lavoisier (1743-1794). Comme lui, il défend l’idée d’une chaîne des êtres et d’un cycle du vivant. N’a-t-il pas baptisé son courant de pensée la physiocratie, à partir des mots grecs physis (« nature ») et kratos (« force ») ? A Versailles, où il a ses entrées, madame de Pompadour le surnomme « notre jeune agriculteur ». Il faut dire que son vocabulaire est flamboyant : « Pierre Samuel compare l’agriculture au soleil de demain, et le charbon au soleil d’hier », relève l’économiste Jean-Marc Daniel. « L’idée même de pollution lui est inconcevable, tant l’économie procède, à ses yeux, de la nature », insiste l’historien Julien Vincent. Cette fibre, du Pont s’emploie à la transmettre aux générations futures. Ses manuels d’éducation sont truffés d’injonctions bucoliques : « Souvenez-vous que les bergers furent les premiers astronomes, les premiers botanistes, les premiers philosophes, les premiers poètes. » Aux enfants, il convient de faire réciter des prières aux accents new age : « Etends notre bienfaisance sur les animaux et les plantes », prêche l’une d’elles.

Les leçons de Lavoisier

Jusqu’où l’oraison sera-t-elle entendue ? En 1800, le clan du Pont émigre aux Etats-Unis. Deux ans plus tard, Eleuthère Irénée, le fils cadet de Pierre Samuel, fonde une fabrique de poudre à canon, dans l’Etat du Delaware. S’il s’implante dans cette région verdoyante dans le nord-est du pays, le long de la rivière Brandywine, c’est qu’il y trouve tout ce dont son entreprise a besoin : de l’eau, du bois, des pierres. Là, il met en application les leçons de Lavoisier, dans la poudrerie duquel il a étudié dix ans plus tôt. Avec succès : les moulins de la firme familiale – orthographiée DuPont, sans espace – tournent bientôt à plein régime, au point de fournir l’armée américaine.

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August 20, 2020 at 06:57AM
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