par Elodie Chermann
C'est une jolie anse sauvage entourée de collines verdoyantes sur la côte nord-ouest de Saint-Barthélémy, dans les Caraïbes. Sur la plage, ourlée de sable blanc, se détachent d'immenses bancs d'algues brunes à l'odeur insoutenable. Des sargasses. Inoffensifs quand ils sont dans l'eau, ces envahissants végétaux marins dégagent, quand ils s'échouent et se décomposent, du sulfure d'hydrogène et de l'ammoniac, deux gaz toxiques pour la santé comme pour l'environnement. Pour endiguer ce fléau, Pierre-Antoine Guibout, un ancien Parisien installé sur l'île depuis huit ans, a trouvé une parade : transformer les sargasses fraîches en feuilles de papier. « Voyant de plus en plus d'algues envahir nos côtes, j'ai cherché un moyen de m'inscrire dans une économie circulaire et de rendre utile le nuisible », : raconte ce juriste financier à l'esprit entrepreneurial qui a créé la société Sargasse Project en juin 2019. « Comme je venais de racheter une marque de cirages, j'ai d'abord envisagé d'intégrer de la poudre de sargasse dans ma gamme de produits pour la rendre plus durable. Sauf que les essais n'ont pas fonctionné. Alors je me suis dit : pourquoi ne pas en faire le packaging ? »
Un pari qui semblait totalement fou il y a vingt ans
Concevoir des produits du quotidien en utilisant des ressources plus écologiques et plus durables, c'est l'ambition de la chimie verte. Un pari qui semblait totalement fou il y a vingt ans mais apparaît de plus en plus comme une évidence. « On a tendance à l'oublier, mais la chimie organique, à l'origine, c'était de la chimie du végétal, rappelle François Monnet, président de l'Association chimie du végétal qui regroupe 55 membres : agro-industriels, chimistes traditionnels et sociétés de biotechnologies. On transformait des huiles, des sucres et du bois. »
Jusqu'à l'avènement de l'industrie du pétrole... Mais avec le réchauffement climatique et la crainte d'une raréfaction des énergies fossiles, la chimie verte, portée par l'innovation, signe un vrai retour en force ces dernières années. Elle représente aujourd'hui environ 10% de la production chimique française, 25 000 emplois directs et 165 000 emplois indirects pour un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros. De quoi donner des ailes à Pierre-Antoine Guibout. Son objectif est d'ouvrir deux fabriques pilotes de pâte à sargasse en Guadeloupe et en Martinique d'ici le début de l'année prochaine, deux en Floride et au Mexique en 2022 et une en Sierra Leone en 2023. Et ce n'est sans doute qu'un début.
Une demande grandissante des consommateurs
« Il y a une demande grandissante des consommateurs pour une chimie plus propre, plus verte », constate François Monnet. Dans une étude réalisée en avril par l'Ifop pour l'Association Chimie du végétal, 87% des Français disent ainsi avoir une bonne image des produits biosourcés et 77% considèrent que leur développement contribuera de façon significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
C'est ce qui a poussé la société gardoise Abnet De La Vigie, spécialiste des détergents multi-usages, à s'emparer du créneau. « Le produit de base de notre gamme, que j'ai moi-même mis au point dans la kitchenette de mon studio, n'est pas bio, reconnaît sans détour le fondateur Yves Péretié. Mais comme il remplace au moins 9 produits différents, son empreinte carbone est inférieure à beaucoup de produits bio. » Pour répondre à la demande d'un de ses clients, il a néanmoins dû aller plus loin. « Il y a une douzaine d'années, j'ai embauché un chimiste pour développer une vraie gamme écologique issue de matières premières végétales comme le maïs, la betterave ou le chaume de blé. » La formule, qui a la particularité d'être biodégradable à 100% en 14 jours, cartonne. « Aujourd'hui, on est devenu leader sur le marché des détergents écologiques pour l'automobile, se félicite-t-il. On fournit aussi le secteur des bateaux de plaisance et on travaille actuellement sur un décontaminant pour le nucléaire. »
Pour une relance vraiment durable - consultez aussi :
> L'industrie textile face au virage de l'économie circulaire
> Du mobilier à l'électronique, l'économie circulaire à tous les étages
July 06, 2020 at 03:56PM
https://ift.tt/2Z85TRx
Une chimie plus verte, c'est possible - Le Parisien
https://ift.tt/2CJqd2Z
chimie
Bagikan Berita Ini
0 Response to "Une chimie plus verte, c'est possible - Le Parisien"
Post a Comment